Près de neuf entreprises portugaises sur dix admettent qu'elles ne sont pas encore préparées aux nouvelles règles de transparence salariale, qui sont incluses dans la directive européenne que le pays devra transposer d'ici l'été prochain. S'adressant à ECO, Joana Brito, d'Aon, souligne qu'il s'agit là d'un scénario inquiétant, qui devrait servir d'avertissement aux entreprises et aux décideurs politiques.

Selon l'étude de cette année sur la transparence des salaires réalisée par la multinationale susmentionnée, seules 14 % des entreprises portugaises se disent prêtes à se conformer aux nouvelles exigences, tandis que 58 % indiquent qu'elles se préparent et que 28 % admettent qu'elles ne sont pas du tout prêtes.

En d'autres termes, 86 % des organisations ne sont toujours pas prêtes pour les modifications du droit du travail qui doivent intervenir en juin de l'année prochaine, en particulier l'obligation d'indiquer immédiatement les fourchettes de salaires dans les offres d'emploi. "Ce chiffre est en effet inquiétant et devrait servir d'avertissement à la fois aux décideurs politiques et aux chefs d'entreprise", note Joana Brito, consultante senior en solutions RH chez Aon Portugal.

"La plupart des entreprises en sont encore aux premières étapes de l'adaptation, ce qui pourrait compromettre le respect des délais légaux et la crédibilité du marché portugais au sein de l'Union européenne", affirme-t-elle, soulignant qu'"il est essentiel d'accélérer la préparation" sous peine de "perdre en compétitivité pour attirer et retenir les talents".

Bien que le Portugal ait jusqu'à l'été prochain pour mettre en œuvre ces règles, plusieurs experts ont averti que les entreprises peuvent (et doivent) commencer à se préparer dès maintenant.

Interrogé à ce sujet, le consultant a formulé quelques recommandations : mettre en œuvre dès à présent des processus solides d'évaluation des emplois, analyser l'équité salariale, envisager la communication et la formation, revoir les politiques de recrutement, de promotion et d'avantages afin de garantir des critères objectifs et neutres, et préparer des rapports.

D'autre part, l'étude montre que seules 22 % des entreprises disposent d'une stratégie de communication en matière de transparence salariale. Plus de la moitié d'entre elles (55 %) prévoient une formation pour les chefs d'équipe, et 55 % disposent d'un plan transversal pour expliquer le sujet à tous les employés.

Toutefois, la majorité des entreprises (78 %) n'ont toujours pas mis en place de stratégie de communication formelle et structurée. "Cela suggère qu'une grande partie des entreprises ne sont pas encore pleinement conscientes des exigences ou, même si elles le sont, n'ont pas progressé dans la mise en œuvre", déclare Joana Brito à ECO.

Autre fait marquant : seules 18 % des entreprises portugaises déclarent avoir effectué une analyse indépendante de l'équité salariale au cours des 18 derniers mois, alors que la moyenne européenne est de 24 %.

"Ce chiffre suggère qu'au Portugal, la question [de la transparence des rémunérations] n'est pas encore aussi prioritaire que sur d'autres marchés européens. Cela peut refléter une pression réglementaire moindre jusqu'à présent, mais aussi un manque de maturité organisationnelle en matière d'équité salariale", ajoute Joana Brito.

"À l'approche de la transposition de la directive, cette préoccupation devrait s'accroître de manière significative", prévoit-elle.

La directive européenne, qui doit être transposée d'ici l'été prochain, stipule que les employeurs doivent fournir des informations sur le salaire de départ ou la fourchette de rémunération associée aux postes à pourvoir dans les offres d'emploi. Lors des entretiens, il leur sera interdit d'interroger les candidats sur leurs antécédents salariaux.

En revanche, une fois en poste, les travailleurs auront le droit de demander aux employeurs des informations sur les niveaux de rémunération moyens, ventilés par sexe, "pour des catégories de travailleurs effectuant un travail identique ou égal", ainsi que sur les critères utilisés pour déterminer la rémunération et la progression de carrière, "qui doivent être objectifs et neutres du point de vue du genre".

En outre, il existe une obligation de déclaration : les entreprises de plus de 250 salariés seront tenues de déclarer chaque année à l'autorité nationale compétente les disparités salariales entre les hommes et les femmes enregistrées en leur sein. Les employeurs plus petits devront le faire tous les trois ans.